INFERENCE FIDUCIAIRE ET FIDUCIO-BAYESIENNE
Le cadre fiduciaire
Les travaux  de R.A. Fisher (1890-1962) sont unanimement regardés comme des contributions majeures à l'inférence statistique. C'est donc tout naturellement qu'à partir de 1973, en quête d'une solution de rechange  au fréquentisme radical, je m'étais d'abord tourné vers le cadre  fiduciaire de Fisher,  qui  fournit une solution  élégante, puisque (à la différence du cadre bayésien), il ne nécessite pas le choix d'une distribution initiale.   Le chapitre sur l'analyse inférentielle des effets, dans l'ouvrage de J.M. Hoc (1984), a été rédigé selon le  cadre fiduciaire.

Pour présenter l'essence de l'argument fiduciaire, j'ai imaginé la parabole du "démon de Fisher".  Un émetteur cherche à  transmettre à un récepteur un nombre entier quelconque, positif ou négatif.  Le démon intervient sur la ligne de transmission,  en jouant avec un dé (non pipé); s'il sort l'as, il ajoute 1 au nombre transmis;  sinon, il transmet le nombre sans modification. A l'arrivée, le récepteur, au courant de la règle du jeu, raisonne ainsi:  "Avec 5 chances sur 6 (probabilité que le démon n'ait  pas sorti l'as), le nombre que je viens de recevoir est celui qui m'a été envoyé; mais avec 1 chance sur 6 (probabilité que le démon ait sorti l'as), le démon a ajouté 1, donc  le nombre qui m'a été envoyé est celui que j'ai reçu diminué de 1. " En langage statistique, si mu (paramètre) désigne le nombre envoyé, et m (valeur observée) le nombre reçu, on a Prob (m=mu) = 5/6 et  Prob (m=mu +1) = 1/6 ; d'où (argument du pivot, qui transporte les probabilités sur le paramètre):  Prob (mu=m) = 5/6 et Prob (mu=m) = 1/6.


Inférences  fiduciaire, fréquentiste et bayésienne
 Je n'ai guère tardé à m'apercevoir que la théorie fiduciaire de Fisher  était très isolée, déclarée "obscure " par la statistique académique. Par ailleurs, c'est un fait que  l'inférence bayésienne (qui elle est reconnue par la statistique académique), conduit pratiquement, moyennant le choix de distributions  initiales "neutres" (dites "non-informatives"),  à des distributions finales identiques aux distributions fiduciaires.  C'est pourquoi, j'ai souvent placé  mes travaux sous la bannière bayésienne, en les qualifiant, le cas échéant, de "fiducio-bayésiens", c'est-à-dire fiduciaires par la motivation et bayésiens par la technique.
L'extrait suivant de Rouanet (1997, Peter Lang) situe l'approche fiduciaire par rapport au fréquentisme radical et à l'approche bayésienne:

"While  constantly maintaining allegiance to the frequentist viewpoint,  Fisher, from 1930 to his death in 1962, developed, as an  alternative to the Neyman-Pearson theory, fiducial inference. In brief, fiducial inference avoids prior probabilities of hypotheses, like frequentist inference, yet it produces probabibilies of hypotheses depending on data, like Bayesian inference, by a direct argument: the fiducial argument described by Fisher (1956), Lépine & Rouanet   (1975) and Hoc (1984, p. 155, using our parable of "Fisher's demon"). In effect, fiducial distributions often coincide with Bayesian posteriors derived under noninformative priors. So Fisher's moderate frequentism points to a "third way" that is closer to moderate Bayesianism (Jeffreys) than radical frequentism (Neyman-Pearson).  This "third way" is summarized by the following diagram:
                              
Probabilities of hypotheses
Prior   Posterior
Radical frequentism (Neyman-Pearson) No No
Bayesian inference Yes Yes
Fiducial inference (R.A. Fisher) No Yes

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